— Je pense que c'est suffisant.
Je souris du mieux que je peux.
— Vous savez, la première fois que je l'ai appelée Lætitia, elle a failli me tuer. Elle s'est énervée, je ne l'avais jamais vue comme ça ! Comment tu sais comment je m'appelle ?, elle m'a crié. J'ai gardé mon sang-froid et je lui ai répondu que Letty, c'était le diminutif de Lætitia, non ? Ça l'a vraiment douchée...
— Monsieur Lefebvre..
Je sais que c'est fini. Que si j'arrête de parler, ils me tuent. Alors je lève les yeux avec le peu d'assurance qu'il me reste. Je lève les yeux et je leur souris.
— Maintenant que vous avez les réponses, à moi de vous poser une question. Qu'est-ce que vous ferez ?
Le milicien reste de glace. J'ignore la peur qui me submerge alors qu'il lance un discret signe de tête à son comparse, derrière moi. J'abats ma dernière carte.
— Qu'est-ce que vous ferez, le jour où vous serez face à elle ?
Il se fige, relève lentement sa cagoule. Aucune passion ne brille dans ses yeux. Aucune originalité ne déforme sa vision des choses. Ce n'est qu'un mouton de plus.
— Nous lui ferons subir le sort qui sera vôtre dans quelques minutes, Monsieur Lefebvre Pour le bien du Gouvernement Unique.
J'espère de toute mon âme que le rire qui s'échappe de moi les dérange, ne serait-ce qu'à minima.
— Alors je vous souhaite bonne chance.
— Ça suffit.
Le canon drôlement tiède d'une arme se pose sur ma tempe.
— Au final, c'est comme ça que vous vous débarrassez de nous ? Une balle dans la tête ?
Il s'agenouille face à moi.
— Monsieur Lefebvre, croyez-vous que le Gouvernement serait suffisamment stupide pour envoyer ses ennemis dans un pays où ils ne seraient nullement inquiétés, à l'aise pour fomenter leur petite révolte ? Non, notre façon de faire est bien plus saine. Après tout, un troupeau a besoin de ses bergers ; et c'est notre rôle de le protéger des loups.
Des explosions retentissent, de plus en plus proches. Le milicien jette un regard effaré à son collègue. Je ne peux m'empêcher de sourire, plus sincèrement cette fois-ci.
— En parlant du loup...
— Qu'est-ce que tu attends ? Tire !
La détonation me rend à moitié sourd. Le corps du milicien tombe à terre avec lourdeur. Celui qui est dans mon dos me délie et arrache sa cagoule – Lætitia rend visible sa singularité.
Le visage crispé de douleur du milicien laisse transparaître sa surprise.
— Toi !
Il pose un regard dégoûté sur le nævus mangeant la moitié du joli minois de Letty, masque de soirée indélébile. La peur de mourir lui fait cracher une fois de plus son venin.
— T'es toujours aussi tarée ! Rien n'a changé depuis la primaire, n'est-ce pas, Letty ?
Tranquillement, la louve s'agenouille devant lui.
— Effectivement, Lucas. Rien n'a changé. T'es toujours aussi con.