Dépeignez-moi

bezuth Par Le 03/08/2016 0

Dans Impromp'Texts

Il paraît que n'importe quel déguisement reste un autoportrait.

Alors... un autoportrait peut-il être un déguisement ? Soit. Allons-y !

Plongeons-nous dans la peau de quelqu'un.

Elle, par exemple.

Elle n'est pas très grande et regarde toujours par terre. Pourquoi ?

Elle a peut-être perdu quelque chose. Ça doit être quelque chose de très important alors, non ? Ou alors elle ne se souvient plus et cherche en attendant que ça revienne.

Elle doit en avoir assez de chercher ; elle vient de s'assoir sur un banc. Ou bien elle est juste arrivée là où elle devait être.

Elle sort un livre. Cette fois, c'est Nécropolis d'Herbert Lieberman. Avant, c'était Le Meilleur des Mondes de Huxley. Et les précédents, c'étaient Sartre, Théophile Gauthier, J. K. Rowling, Tolkien, Georges Lucas, Fred Vargas, Christian Grenier. Et tant d'autres.

Peut-être bien qu'elle aime lire, on ne peut pas savoir. On est dans sa peau, pas dans sa tête.

Ça fait beaucoup de suppositions pour un déguisement, ça. Mais plus on a de détails, mieux le costume colle, non ?

 

Elle finit son livre, imperturbable, presque intemporelle. Elle doit vraiment s'absorber dans cette histoire qui n'est pas la sienne car elle ne voit pas les gens qui viennent l'extirper de ce monde où elle vit, ce monde où Ray Bradbury est toujours là pour lui décrire les habitants fantastiques peuplant les étoiles de sa tête. Mais quelqu'un la secoue et elle repasse "in real life" pour s'occuper à autre chose.

Elle doit dessiner, quelques fois la tranche de ses mains fines est couverte de graphite ; résultat d'un tic, surement : elle essuie par réflexe l'esquisse avec son auriculaire.

Ça fait passer le temps, quand on n'a pas de livre sous la main.

 

En sait-on assez pour estimer le portrait digne de Mardi Gras ? Je pense qu'il manque encore une petite perle au masque.

 

Que cherche-t-elle donc par terre, les yeux dans un flou si intense qu'il lui aspire toute vitalité, qu'il lui donne l'air de mépriser le monde alentour comme s'il n'était pas réel, réellement sien ?

 

Elle cherche une idée.

Et parfois elle en trouve une, ses lèvres s'étirent dans un sourire, ses mains s'animent et ses yeux s'éveillent, le temps que son esprit exploite entièrement cette dose de pensées qu'elle recueille comme une drogue, des pensées qui entre ses doigts se tricotent aussi bien que le fil d'Ariane enchevêtré dans les cornes du Minotaure, jusqu'à obtenir un méli-mélo qui lui convienne. Ou non.

Et si ça ne lui plait pas ?

Je suppose qu'elle recommence, encore et encore, jusqu'à ce qu'enfin elle estime son Horcruxe visible.

C'est comme ça que beaucoup de pensées se retrouvent enfermées dans des mots-clefs et sont laissées à la poussière, en attente d'être modifiées encore et encore. Parce qu'elle n'est jamais satisfaite.

Que ce soit noir ou rose, fantastique ou scientifique, ou juste... bizarre, elle recommence, encore et encore, elle recommence jusqu'à s'en rendre malade souvent, jusqu'à ce qu'un jour, quelqu'un vienne poser une main de Damoclès sur son bras pour l'arrêter d'assassiner l'originale et lui chuchote : "C'est bien".

 

Est-ce suffisant pour votre déguisement ? Souhaitez-vous d'autres détails ?

Non ?

Alors maintenant que vous avez le déguisement... Créez l'autoportrait.

 

~Bezuth

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