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Aurore en ville

Encore une nuit qui s’installe sans bruit sur une ville morte où chacun s’assourdit tellement que l’on entend plus le rideau noir s’ouvrir sur les fenêtres de mes rêves. Cela fait plusieurs fois que dans mes songes Aurore me prévient qu’elle arrive éclairer les rues de son aura légèrement verdâtre de fantôme de mon passé. Mais viens donc, Aurore ! Viens couper avec le couteau de ta langue incisive le brouillard de ma vie ! Tu me manques, Aurore, tu me manques comme le matin.

 

La ville s’étend devant moi comme un tapis rouge déroulé au-delà de l’horizon. Je ne veux pas dormir ce soir. Pas plus que la veille et pourtant je me suis écroulé de fatigue à minuit précises.

Aurore, vient me seriner ta berceuse ! Mes paupières s’alourdiront à t’entendre caqueter sans discontinuer. Tu seras là. Bientôt.

Là pour moi.

 

Un pigeon qui s’envole et aussitôt je pense à toi. J’imagine une nuit emplie d’aurores boréales, des voies vertes diluées dans le noir, avec quelques reflets jaunes, plumes hésitantes tordues par un pinceau d’aquarelle maladroit qui trace de magnifiques vagues d’écume luminescente dans la nuit outremer. J’imagine ton rire se répercuter dans les rues de la ville rougie par ses lampadaires sous ce ciel dessiné pour toi et je te vois presque.

Aurore, j’arrive presque à te voir.

 

La ville est une mer rouge à mes pieds dans laquelle les fenêtres éclairées des appartements sont autant de reflets de lanternes posées à la surface de cette eau sanglante. Je me sens maître de ces terres humides quand je contemple cette mer d’humains entassés dans une ville, écrasés.

 

Tu es revenue me prévenir, cette nuit. Gracieuse, légère, lisse. Si magnifique Aurore ! Tu as chanté pour moi comme un cygne. Pourquoi ne viens-tu que lorsque je dors ?

 

Ô ma jolie perruche ! Je t’ai aperçue aujourd’hui. C’est ce soir que tu dois paraître, n’est-ce pas ?

 

La nuit tombe, rideau camouflant mes cauchemars à jamais. Je me suis habillé pour toi, Aurore. Je suis face à la fenêtre et soudain, des pinceaux de lumière jouent leur sonate gymnastique à travers les plis du rideau noir, aurores boréales au dessus d’une ville rougie par son éclairage synthétique ! C’est merveilleux Aurore ! Je me retourne et tu es là, sur ton perchoir, à me regarder d’un œil puis à tourner la tête pour me jeter un coup de l’autre, auréolée de lumière floue.

J’approche une main tremblante de ton plumage vert phosphorescent. A peine t’ai-je touchée que le monde se dissout autour de moi, plus d’appartement, plus de ville rouge, plus de nuit, le rideau s’est levé et je m’envole avec toi vers un endroit où tu n’es pas morte, petit serin de mon enfance, ou alors c’est moi qui suis mort avec toi.

Dans les aurores boréales.

 

~Bezuth

Date de dernière mise à jour : 04/10/2018