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>5 : Le Choc des Titans

bezuth Par Le 07/09/2018 0

Dans Fairy Fail

Cher journal,

aujourd'hui, j'ai coupé la barbe d'un nain.

Hier a été mauvais et aujourd'hui l'a été encore plus. Hier... hier Peau est mort.

Après l'épisode des corbeaux, il est resté étrange et distant, comme rongé par un affreux secret. Fi de nos conversations galantes ! Je me consolais en me disant qu'il s'inquiétait pour le bonheur de son ami. Mais à peine débarqués, les choses ont dérapé.

 

Un magnifique cheval à la robe bai attendait les futurs époux, piaffant d'impatience de les ramener au palais. Le prince n'eut pas le temps d'avancer la main pour le flatter ; Peau sauta dessus aussitôt et tira de son fourreau l'épée rangée dans ses fontes pour la plonger profondément dans le poitrail de la bête.

La suite royale s'indigna. Mais Pomme, observant la lame ensanglantée, ne cilla point.

— Si Peau a fait cela, ce ne peut être que dans le but de me servir.

Et nous marchâmes vers le château. Je suivis la princesse vers ses appartements, découvrant avec elle les richesses de son fiancé. Quelques minutes après, une rumeur parcourut les couloirs. Peau avait osé jeter au feu la tunique de mariage du prince ! Et ce dernier s'était contenté de déclarer que "Jamais Peau ne le desservirait"...

 

La noce fut merveilleuse, digne d'un conte de fées. J'ai dansé la nuit durant, guettant du coin de l'oeil une réaction de la part de Peau. Mais jamais il ne m'avait paru aussi pâle et maladif.

Enfin vînt l'heure du coucher. Nous escortâmes en grande pompe les mariés à leur chambre et les abandonnâmes, croulant nous-même de fatigue.

 

Un hurlement réveilla le château. Poussée par la foule de curieux, je me précipitai vers la chambre nuptiale, pour y trouver Peau, couvert de sang et escorté par deux gardes.

La colère déformant son visage d'albâtre, le Prince vociféra.

— Puisque tu es incapable de t'expliquer, tu seras pendu demain !

Sans même se défendre, Peau fut entraîné dans les couloirs silencieux du château.

 

J'obtins le droit de lui rendre visite. Il était assis, résigné. Je posai ma main sur la sienne, attirant son attention.

— Peau... Il faut que tu leur dises la vérité.

— Non.

Ma main se crispa tandis que des larmes reproduisaient le naufrage de mon esprit. Il sourit avec tristesse et passa un doigt sur ma joue, prélevant quelques gouttes.

— Calme-toi. Ce n'est pas si grave. Ce n'est qu'un conte de fées.

J'hoquetai de surprise à travers mes sanglots.

— Tu es au courant ?

— Tous les personnages principaux le savent. Mais nous ne sommes pas au fait de la fin de l'histoire.

— Moi non plus... Je croyais qu'on ne pouvait pas mourir dans un conte de fées ?

Il se leva brutalement, repoussant ma main.

— Bien sûr qu'on peut mourir ! Qui t'a raconté de pareilles sottises ?

— Un certain Walt Disney.

En entendant ce nom, son visage s'illumina.

— Il a longtemps traîné dans le coin. Je me demande ce qu'il est devenu.

— Il est mort.

Son sourire se crispa et la lumière de ses yeux s'assombrit. Son soupir m'assassina.

— Tu vois qu'on peut mourir.

Le garde nous interrompit pour le mener à la potence.

 

Je me faufilai entre les badauds avides de spectacle pour le voir une dernière fois. Il se tenait droit et digne, alors même que le bourreau lui passait la corde au cou. Lorsque tout fut prêt, il interpela Pomme.

— Mon prince ! Je t'ai toujours été fidèle et aujourd'hui, j'accepte de mourir pour toi. Mais laisse-moi quitter cette vie avec le coeur apaisé.

D'un geste, Pomme le lui accorda et ainsi l'enfer s'ouvrit sous mes pieds.

— Alors que nous faisions route vers notre terre natale, réjouïs par la conquête que nous avions faite, j'eus le malheur de surprendre une conversation entre deux corbeaux. Ils parlaient de vous, mon prince, et de votre épouse. Ils vantaient votre courage et sa beauté. Mais ils imaginaient également la terrible vengeance de son père... Le sorcier avait ourdi un piège redoutable et seuls ces oiseaux en avaient connaissance. Le premier volatile exprima que, sur la rive, un magnifique cheval attendrait le prince et, dès que le prince le monterait, il l'entrainerait au diable. Ce à quoi le second répondit que, pour l'en empêcher, il suffisait de sauter sur le cheval et de le tuer avec l'épée trouvée dans ses fontes. Mais quiconque répétant ces mots sera changé en pierre des pieds aux genoux.

Sous nos yeux médusés, la pierre monta à l'assaut de Peau, muant ses jambes en granit. Je m'élançai, bousculant les soldats.

— Peau ! Arrête, je t'en prie !

— Paix, Johanne ! Le premier corbeau poursuivit, indiquant cette fois-ci qu'une somptueuse tunique tissée d'or et de lin attendrait le prince dans sa chambre et que, dès qu'il l'enfilerait, elle ne serait que soufre et feu. Le second ajouta que, pour l'en empêcher, il suffisait de mettre une paire de gants et de brûler la tunique. Mais quiconque répétant ces mots sera changé en pierre des genoux au torse.

Je me débattais, maintenue par les gardes, tandis que la pierre recouvrait son torse. Le prince se dressa sur son trône.

— Peau ! Je te crois ! Mon fidèle ami...

— Vous ne saurez la profondeur de mon dévouement que lorsque j'aurai terminé ! Pour la troisième épreuve, énonça le corbeau, il faudra attendre que les jeunes mariés dorment. Alors un monstrueux serpent se glissera entre eux et il faudra sur-le-champ le décapiter. Sur quoi le deuxième corbeau conclut : mais quiconque répétant ces mots sera changé en pierre entièrement.

Je réussis à me libérer et sautai sur l'estrade alors que son visage se pétrifiait avec une lenteur exquise. Il ferma pesamment les yeux.

— Johanne... J'ai peur.

Je pressai mes lèvres contre les siennes mais il resta de marbre.

 

Puis, comme si ça n'avait pas été suffisant, j'ai rencontré un nain, un ours et deux jeunes filles.

Ça ressemble au début d'une mauvaise blague.

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